Quelle idée avait elle eue de courir, son fardeau étant déjà assez lourd à traîner. Mais à choisir, elle préférait ça, plutôt que de se laisser assassiner elle et son bébé.
Elle fuyait la mort n’osant se retourner, elle s’écorchait ses pieds nus et ensanglantés à chaque caillou, à chaque ronce épineuse.
Une violente secousse au bas ventre, apparemment celui-ci n’avait pas apprécié ce petit sprint, il aurait dû y être habitué depuis ces trois derniers mois. Une autre, plus virulente cette fois-ci. Et si c’était le dernier sprint qu’il ait à supporter ? A cette idée, ses jambes se dérobèrent. Des coups, il se débattait, c’était bon signe.
Elle se releva tant bien que mal sous l’impulsion de cette nouvelle, son ventre étant bien trois fois plus distendu que la normale, mais cela n’avait rien d’étonnant connaissant le père. De toute façon, rien ne pouvait empêcher l’amour d’une mère pour son enfant.
Mais après quelques pas, l’étourdissement, et la chute, sur le dos heureusement. Puis un coup d’une force prodigieuse. Il était un peu en avance, mais apparemment cela lui était égal. Deux grosses larmes de joies ruisselèrent sur les joues de la future mère. Elle rampa vers un arbre, s’y adossa et d’un revers s’essuya les yeux.
Il avait l’air pressé. Elle sourit. En y pensant, elle ne savait toujours pas comment l’appeler. Elle n’y pensa pas longtemps par ailleurs, car ce qu’elle prit pour une contraction extrêmement violente lui arracha un cri à glacer le sang, qui commença d’ailleurs à ruisseler le long de ses lèvres sans qu’elle s’en aperçoive, se concentrant sur l’idée de mettre au monde son enfant, vivant. Puis une autre ‘contraction’, et cette fois, ce fut un jet de sang qui jaillit d’entre ses dents. Puis ce fut de son ventre que jaillit le liquide si précieux, enfin plus précisément d’une entaille remontant jusqu’à son sein que ses haillons avaient du mal à dissimuler.
Sorti de cette énorme déchirure l’enfançon au poils roux, son torse d’un blanc normalement immaculé souillé par le sang des entrailles de sa mère et aux deux cornes sombres dressées sur le sommet de sa tête s’apparentait à un jeune bouc bipède au regard d’un rouge flamboyant et malveillant. Elle regarda sans comprendre sa progéniture démoniaque, poussa un soupir de satisfaction et reversa une larme, cette fois-ci sur la bonne santé de la chair de sa chair. Mais peu reconnaissant fut le nouveau né. Il leva se qui s’apparentait à une main, un rictus inquiétant imprimé sur ses lèvres, et l’abattit sur la tête de sa génitrice, lui faisant sauter les globes oculaires de leur orbites et répandant sur l’herbe jaunie par la chaleur de l’été quelques lambeaux de ce qui restait de son cerveau, le restant s’écoulant du trou béant et se répandant sur l’écorce de l’arbre.
Et il fut tiraillé par la faim…